A l’heure actuelle, plus de 9000 suicides sont réalisés chaque année en France (source : Santé Publique France). Il s’agit donc d’un sujet de santé publique majeur, qui nécessite une grande vigilance de la part de tous les acteurs de la santé. Malgré sa fréquence, le suicide reste difficile à aborder et s’accompagne de plusieurs idées reçues. Le fonctionnement de la crise suicidaire est peu connu, et il en est de même concernant ce qui peut être mis en place pour l’éviter.
Qu'est-ce que la crise suicidaire ?
La crise suicidaire est un processus plus ou moins long durant lequel des idées suicidaires émergent et s’imposent peu à peu à l’esprit, jusqu’à ce que le suicide apparaisse comme étant la seule solution. La personne qui souffre d’idées suicidaires peut envisager le suicide de plusieurs façons : il peut représenter un moyen de mettre fin à sa souffrance, de ne plus penser à ses problèmes, de se punir de quelque chose dont il se sent responsable, ou encore une réelle volonté de ne plus être en vie… Une tentative de suicide peut parfois correspondre à un appel à l’aide, à la seule façon possible d’exprimer sa souffrance aux autres.
Lors d’une crise suicidaire, la souffrance est particulièrement intense et les émotions sont difficiles à gérer. Peu à peu, des idées négatives s’imposent sous forme de ruminations, qui viennent marquer le quotidien. A ce stade, plusieurs solutions sont envisagées mais elles sont rapidement mises en échec, considérées comme inapplicables ou inatteignables. La négativité prend de plus en plus de place, et la perspective de s’en sortir disparaît progressivement. Alors, les idées noires s’installent et deviennent avec le temps des idées suicidaires. A terme, le suicide représente la seule solution envisagée, effaçant tout le reste. Il est alors extrêmement difficile de continuer à prendre en compte son environnement, ses proches et ses ressources habituelles. Un scénario de plus en plus précis se met en place dans l’esprit de la personne en détresse. L’ultime étape de cette crise suicidaire consiste en un passage à l’acte, c’est-à-dire un suicide ou une tentative de suicide.
Le contexte et la durée d’une crise suicidaire varient fortement d’une personne à une autre, allant d’une évolution progressive sur plusieurs semaines à une manifestation soudaine difficile à prévenir. De plus, plusieurs troubles peuvent entraîner ce type de crises, tels que la dépression, la bipolarité, les psychoses, une anxiété très intense…
Comment réagir ?
Lorsqu'on traverse soi-même une crise suicidaire
Pour surmonter une crise suicidaire, plusieurs réflexes peuvent être bénéfiques. Tout d’abord, il est important d’être attentif à son état et à tout changement qui pourrait annoncer une forte baisse du moral, à des signes significatifs d’un mal-être profond. Avoir déjà vécu des crises suicidaires peut permettre d’identifier les signes annonciateurs d’une nouvelle crise (isolement, anxiété, fatigue, irritabilité…), et d’être en capacité de les reconnaître au plus tôt lorsqu’ils surviennent à nouveau. Ils peuvent être particulièrement différents d’une personne à une autre, il est donc essentiel d’apprendre à se connaître. Néanmoins, il est parfois difficile d’être en alerte, alors même que l’on traverse une période compliquée qui brouille l’esprit et empêche les raisonnements habituels. Comme expliqué précédemment, la crise peut également survenir brusquement, ce qui empêche d’agir en amont et de la prévenir.
Si la crise suicidaire est identifiée suffisamment tôt, essayer de se distraire et de s’impliquer pleinement dans une activité qui demande de l’attention et de la concentration peut aider à sortir des mécanismes de la crise. Il est conseillé de se tourner vers un loisir qui procure du plaisir en temps normal, et qui pourrait apaiser la détresse ressentie.
Selon l’intensité ou le moment de la crise suicidaire, il peut être difficile voire impossible de la gérer seul. Il est alors essentiel d’identifier autour de soi des personnes qui pourraient intervenir et offrir du soutien. Les proches (amis, famille) peuvent également apporter une grande aide. Il ne faut donc pas hésiter à les contacter et à leur demander de se déplacer, si cela est possible.
Les professionnels de la santé constituent eux aussi des ressources particulièrement importantes lors d’une crise suicidaire. Il est recommandé de contacter un ou plusieurs professionnels en qui l’on a confiance, ou bien de s’orienter vers des services formés à la prise en charge d’une telle crise tels que les urgences (qui ne s’occupent pas uniquement des urgences corporelles) ou les numéros dédiés (cf encadré).
Numéros à contacter
Service | Numéro | Horaires |
Urgences européennes | 112 | 24h/24, 7j/7 |
SAMU | 15 | 24h/24, 7j/7 |
Sapeurs Pompiers | 18 | 24h/24, 7j/7 |
Urgences pour personnes sourdes et malentendantes |
114 (accessible par visiophonie, tchat, FAX ou SMS) |
24h/24, 7j/7 |
Suicide Ecoute | 01 45 39 40 00 | 24h/24, 7j/7 |
SOS Suicide Phénix Ecoute | 01 40 44 46 45 | De 13 à 23h, 7j/7 |
Numéro national de prévention du suicide |
31 14 | 24h/24, 7j/7 |
Si la crise ne peut être interrompue et devient trop envahissante, avec une peur de passage à l’acte, les professionnels pourront proposer un transport à l’hôpital afin d’accompagner la crise jusqu’à ce qu’elle se termine. Selon l’état psychologique évalué, une hospitalisation plus longue pourra être suggérée, seulement si l’accord est donné, afin de prendre en charge la souffrance générale.
Lorsqu'un proche traverse une crise suicidaire
Une attitude bienveillante et empathique est nécessaire pour permettre à l’autre de se confier et de se sentir soutenu. Il est important de se montrer à l’écoute, de ne pas invalider le ressenti de l’autre et de ne pas minimiser sa souffrance. En effet, il peut être tentant de formuler des phrases telles que « Il ne faut pas t’inquiéter pour ça » ou « Ne te mets pas dans cet état pour ça », qui peuvent paraître rassurantes, mais qui en réalité renvoient l’impression que la détresse n’est pas comprise à sa juste valeur.
Il est également essentiel de rompre avec l’idée préconçue que parler du suicide entraîne le suicide. Aborder ce sujet difficile peut paraître délicat et de nombreuses personnes préfèrent ne pas l’évoquer par peur d’induire cette idée dans la tête de l’autre. Or, il a été démontré que cela permettait, au contraire, de mettre en confiance et de montrer qu’il ne s’agissait pas d’une honte ou d’un sujet tabou.
Malgré tout, cela nécessite de se sentir à l’aise avec l’idée d’échanger autour du suicide et de la mort, ce qui n’est pas toujours le cas. Il peut alors être préférable de passer le relai à des professionnels de santé. De même, lorsque la situation paraît critique et qu’il semble difficile d’apaiser la personne en crise, il est primordial de contacter des personnes formées qui sauront précisément comment réagir, comme indiqué précédemment.
Pour conclure
La crise suicidaire peut être impressionnante de l’extérieur, et écrasante de l’intérieur. Connaître son fonctionnement et les différents réflexes à avoir permet de l’aborder plus facilement et de mieux gérer ses émotions sur le moment, que l’on soit sujet ou témoin de la crise. Il est essentiel que l’on apprenne à davantage en parler, afin de mieux la comprendre et d’en avoir moins peur si l’on y est confronté.